Nombre total de pages vues

Programme du Colloque du 23 novembre - Version papier


Université libre de Bruxelles


Campus du Solbosch, Auditoire Guillissen





Colloque international, interdisciplinaire

Mercredi 23 novembre 2011



Le droit à la paresse, nécessaire, urgent ?!



Estampe de Félix Vallotton, 1896



Laura Marx (Saint-Josse-ten-Noode, 25 septembre 1845 – Draveil, 25 novembre 1911)
&--
Paul Lafargue (Santiago de Cuba, 15 janvier 1842 – Draveil, 25 novembre 1911)






Comité scientifique

Kenneth Bertrams, historien, Chercheur, directeur de l’Unité de Recherche Mondes Modernes et Contemporains de l’Université libre de Bruxelles,
Luc Courtois, historien, Professeur à Université catholique de Louvain,
Jean-Pierre Devroey, historien, Professeur à l’Université libre de Bruxelles,
Valérie Piette, historienne,  Professeur à l’Université libre de Bruxelles,    





Comité d’organisation 



Nathalie BURNAY, sociologue, Chargée de Cours aux Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix à Namur et à l’Université catholique de Louvain
Éric GEERKENS PROVIN, historien, Professeur à l’Université de Liège
Jean-Jacques HEIRWEGH, historien, Professeur à l’Université libre de Bruxelles
Pieter LAGROU, historien, Professeur à l’Université libre de Bruxelles
Michel MAJOROS, historien, doctorant ULB, coordination :  mmajoros@ulb.ac.be



Soutien

Faculté de Philosophie et Lettres                            Fond National de la Recherche scientifique







PAUL  LAFARGUE  EN  BELGIQUE



Les noms de Paul Lafargue et Laura Marx survivent dans Le Droit à la paresse.

Plus qu’une « variété » décalée, une provocation :  une alternative à construire ?

Aujourd’hui, des acteurs du théâtre, de la recherche et du travail interrogent sur la nécessité, l’urgence et la réalisation de ce droit.

Le couple Lafargue-Marx s’inscrivit dans une conscience révolutionnaire et internationaliste.

Des créateurs, d’autres horizons philosophiques, pratiquent eux aussi l’éloge du temps libre.

Le titre et la suite de cette présentation sont signés par un ami et contemporain belge de Lafargue.



La mort tragique de Paul Lafargue et de sa femme a profondément ému non seulement ceux qui ont connu ce militant socialiste, mais tous ceux qui ont lu les détails de ce double suicide. Il y a là quelque chose d’étrange et de déconcertant. […]

Un Congrès international des étudiants eut lieu à Liège en 1865 et là s’affirmèrent ses opinions très tranchées : socialistes, républicaines, matérialistes. Parmi les jeunes gens de Belgique qui assistèrent à ce congrès et y jouèrent un certain rôle, il y avait, je pense, Victor Arnould, H. Denis, G. Degreef, César De Paepe et d’autres. Ce congrès émut fortement la presse cléricale, et la sainte « Gazette de Liège » protesta avec colère et indignation contre les théories « monstrueuses » qui y avaient été exposées et défendues.

« La Rive Gauche » […] fut supprimée par l’Empire et elle vint se faire imprimer à Bruxelles en mai 1865. Parmi les principaux collaborateurs de ce journal, se trouvaient A. Rogaerd, auteur du fameux pamphlet « Pauvre France ! », G. Flourens, Ch. Longuet, A. Cournet […] qui plus tard jouèrent un rôle important dans le mouvement communaliste de 1871. […]

Il publia plusieurs volumes et une série de brochures dont la plus répandue est sans contestation, « Le Droit à la paresse ».  Lorsque, en 1886, un peu après la fondation du Parti ouvrier belge, je commençai la publication de petits volumes de la « Bibliothèque populaire », P. Lafargue me demanda de publier dans cette collection son « Droit à la paresse » et son autre pamphlet « La Religion du capital ». « Le Droit à la paresse » est une réfutation mordante et spirituelle du droit au travail réclamé par les socialistes de 1848. […]

Lafargue termine en engageant la classe ouvrière à se lever, non pour proclamer le droit au travail, qui n’est que le droit à la misère, mais pour forger une loi d’airain défendant à tout homme de travailler plus de trois heures par jour, et il prédit que ce jour-là « la terre, frémissant d’allégresse, sentirait bondir en elle un nouvel univers ». Ce pamphlet a été traduit dans toutes les langues, et il le mérite d’ailleurs, par la vigueur des pensées que l’auteur y émet, et par l’âpreté de son style vigoureux.

P. Lafargue a été, dans ces dernières années, un artisan zélé de l’unité socialiste française. Il fait pardonner ainsi l’âpreté qu’il mit souvent dans la polémique entre les hommes représentant les diverses fractions qui, trop longtemps, ont divisé le socialisme français. Dans l’attaque contre des amis qui étaient en désaccord avec lui, il bondissait avec une impétuosité de langage et d’expression qui, souvent, dépassait la mesure. […] Lorsque, grâce surtout à César De Paepe, l’idée collectiviste fut adoptée par le congrès de l’internationale, P. Lafargue définit un jour dédaigneusement le collectivisme de « contrefaçon belge du marxisme ».

Paul Lafargue était une belle figure du socialisme international, et longtemps encore, on parlera de ses pamphlets mordants et de sa fin tragique !

Louis BERTRAND[1]





9 heures

Maurice Taszman  et  l’Atelier théâtral de l’ULB

ÉCRIRE POUR LES CATHÉDRALES DE THÉÂTRE OU POUR LES CATACOMBES ?

Comment traduire le monde du travail au théâtre ?

Écrire est la traduction de la réalité dans une autre forme. Quelle forme, quelle structure de récit, quel partage des voix pour cette réalité du monde du travail et du non-travail ?

Ces questions, je ne peux pas ne pas me les poser, dès lors que j’entreprends d’écrire sur cette nébuleuse dans un monde tel qu’il change en lui-même.

Ma pratique de traducteur m’a conduit à réécrire quelques textes de théâtre qui se colletaient au monde du travail et qui se faisant, récusaient le misérabilisme, le naturalisme, pour au contraire ouvrir des espaces aux rêves, aux utopies, à l’imaginaire. Par exemple, j’ai traduit La Conquête du Pôle Sud de Manfred Karge  (1986) une pièce dans laquelle des chômeurs jouent à conquérir le pôle dans un grenier pour échapper au désespoir et pour s’inventer une autre vie.

Des pérégrinations et des tribulations diverses m’ont appris que je n’avais rien à attendre des cathédrales (Théâtres nationaux etc.) pour y mener à bien mon projet d’écriture bien que j’y ai eu quelques bonnes fortunes pendant de longues années en qualité de traducteur ou autres métiers de théâtre.

Dès lors,  il me fallait chercher ailleurs, ce que j’ai fait en cherchant dans les catacombes des lieux plus ouverts à la recherche et disposant d’espaces de liberté.

Je suis particulièrement heureux que l’Atelier théâtral de l’Université libre de Bruxelles crée Pique-nique sur une tombe, premier volet d’une trilogie intitulée Pour en finir avec la servitude volontaire.

Le deuxième volet de la trilogie, Les Messagers se collètent aux vagabonds, aux nomades, aux « domicile nulle part » tels qu’ils sillonnent l’Europe depuis des siècles.  Le mouvement central de cette pièce est consacrée à un « congrès » des vagabonds tenu à Stuttgart en 1929[2].

Le troisième volet, en cours d’écriture : Libérer le temps libre contre la marchandisation des loisirs.

La forme choisie est celle du chœur, qui n’exclut pas les individualités.

Seule la création de nouvelles formes dans l’art peut nous rendre le vécu du monde, faire de nous des artistes de notre quotidien, et contribuer au plus important des arts, l’art de vivre. [3]



Maurice Taszman coproduit avec Paul Meyer Déjà s’envole la fleur maigre,  sur la vie des émigrés au Borinage.  C’est le début de cinquante années de théâtre et cinéma, poursuivies à la Volksbühne de Berlin sous la  direction de Benno Besson, et continuées dans six pays européens (Belgique, France, Allemagne, Italie, Autriche, Suisse). Ce nomadisme ne facilite pas le résumé d’un parcours multiforme de mise en scène, traductions, enseignement et créations de textes …



Pique-nique sur une tombe



Des hommes et des femmes enterrent le travail

Création  par l’Atelier théâtral de l’ULB

Mise en espace : Margarita Bouchler



et par ordre d’entrée en scène : 

Clowns I et II : Lucas Trouillard, Vladimir Aron

Chœur des femmes : Desirèe Campagna, Florence Chevalier,  Sophie Clément, Aurélie Cziglényi, Nathalie Delleré ; Sophie Frérard, Justine Loriaux, Laetitia Martin, Giulia Pegararo, Marina Yerlès

Chœur des hommes : Gauthier Dero, Pierre Elizondo, Melchior Monnet, Benjamin Pallard

Laura et Paul Lafargue :    Julie Renson, Michaël Gourdin








Archives personnelles de Mauurice Taszman, Berlin




9 heures 30

 Michel Majoros 

Lafargue, Marx, aliénation, temps de vie

« Vivre en travaillant » devenait, pour les salariés de l'essor du machinisme, l'alternative : vivre et mourir pour travailler, ou mourir de faim. Le Droit à la paresse de 1880 représentait plus qu’une Variété , un désir de vie.

Les briseurs de machines des débuts de la révolution industrielle, les émeutiers de Liège et de Charleroi, les manifestants du 1er Mai de Chicago et de Fourmies, aux heures de vie disloquées et abruties par un surtravail sans bornes, voulaient respirer et retrouver leur vie. Tandis que diverses théories, utopies, ou magies projetaient un monde meilleur, Le Droit à la paresse participa a une stratégie, sur le terrain de l’entreprise, pour reconquérir la maîtrise du temps.

Trois rencontres décisives pour Paul Lafargue, né dans une société coloniale et esclavagiste : la France en plein essor du machinisme sur fond de conflits politiques ; l’attraction de la planète Marx dans la galaxie de l’Association internationale des travailleurs ; la construction de revendications unificatrices au sein de la classe ouvrière.



Le règne de la liberté commence seulement à partir du moment  où cesse le travail dicté  par la nécessité et les fins extérieures  […] Dans ce domaine, la liberté ne peut consister qu’en ceci : les producteurs associés - l’homme socialisé - règlent de manière rationnelle leurs échanges organiques avec la nature, et les soumettent à leur contrôle commun au lieu d’être dominés par le puissance aveugle de ces échanges ; et ils les accomplissent en dépensant le moins d’énergie possible,  dans les conditions les plus dignes, les plus conforme à leur nature humaine. Mais l’empire de la nécessité n’en subsiste pas moins. C’est au-delà que commence l’épanouissement de la puissance humaine qui est sa propre fin, le  véritable règne de la liberté qui, cependant, ne peut fleurir qu’en se fondant sur ce règne de la nécessité.  La réduction de la journée de travail est la condition fondamentale de cette libération.[4]

















Après une licence avec agrégation en histoire de l’ULB (1972), Michel Majoros a enseigné, et échangé durant une trentaine d’années parmi les filières d’exclusion de l’enseignement secondaire en Wallonie. À partir de 2008, il travaille à une thèse de doctorat : Le droit à la paresse, vu de Belgique, depuis 1919. Critique sociale et critique esthétique récurrentes, dissidence, reconquête de vie ?

10 heures

Corinne Gobin 

Le droit à la paresse au cœur du droit politique au salaire

Le droit à la paresse est une urgence destinée à créer une rupture indispensable avec l’exploitation et la domination des êtres humains par le travail subordonné à l’activité capitaliste. Il ne peut être bien entendu un principe absolu car abolir le travail humain en tant que tel détruirait automatiquement toute société humaine vu que nous sommes nécessairement des êtres sociaux, dépendants les uns des autres pour nous organiser. Si nous définissons le travail comme l’activité reconnue utile par tous afin que la société organise épanouissement et émancipation et que nous décidons que cette richesse produite soit valorisée monétairement, dès lors l’enjeu se déplace : une autre revendication voit le jour, le droit universel au salaire à partir de la majorité civile et politique.





































Corinne Gobin est docteure en sciences politiques de l'ULB, chercheure qualifiée au Fonds national de la recherche scientifique, directrice du GRAID (Groupe de recherche sur les acteurs internationaux et leurs discours) de l'Institut de Sociologie de l'ULB ; vice-présidente de l'Association belge de science politique pour la Communauté française et maître de recherche FRS-FNRS.



10 heures 30

Nathalie Burnay 

Le droit à la paresse face aux transformations normatives du travail

À partir de l’enquête européenne sur les valeurs de 2010, notre contribution montrera à la fois que le travail continue de structurer nos vies et de définir nos identités, mais aussi que l’on assiste aujourd’hui en Belgique à une transformation normative intéressante : le travail semble en effet être en perte de vitesse dans certaines catégories de la population. Ces résultats confirment d’autres résultats européens. « Ainsi, près de la moitié des Britanniques, des Belges et des Suédois souhaiteraient que le travail prenne moins de place dans leur vie »[5]

Cet apparent paradoxe peut notamment s’expliquer par un nécessaire recadrage du travail dans d’autres sphères jugées tout aussi importantes, par la difficulté croissante à trouver du temps pour concilier ces différents pôles identitaires et par la dégradation des conditions de travail ces dernières années.

Des différences importantes existent au sein de la population et trouvent leur origine davantage dans des caractéristiques intrinsèques au travail : ainsi, elles se marquent dans le fait d’avoir un emploi de qualité et dans la satisfaction que l’on éprouve vis-à-vis de celui-ci. Ces résultats renvoient de manière indirecte à ceux formulés par C. Baudelot et M. Gollac en France : satisfaction au travail rime avec bonheur dans les professions les plus valorisées, les mieux rémunérées et les plus stables. Dans ce sens, c’est le contenu même du travail qui procure une forme de bonheur.[6]















Nathalie Burnay est sociologue, Chargée de cours aux FUNDP et à l’UCL. Elle travaille depuis plusieurs années sur des problématiques liées aux fins de carrière et plus particulièrement aux transformations normatives du travail, aux parcours de vie en lien avec l’évolution des politiques publiques en matière d’âge au travail. Elle a publié plusieurs ouvrages : Chômeurs en fin de parcours professionnel (2000), Vieillir au travail (2008), Transmissions, mémoire et reconnaissance (2011). Elle prépare actuellement un ouvrage intitulé Parcours de vie et nouvelles temporalités (2012).



11 heures

Esteban Martinez 

Disponibilité au travail, démesure du temps

Les temps ont bien changé depuis l’époque où le travail était strictement délimité par des durées et des horaires collectifs assurant la synchronisation de l’ensemble des temps sociaux. Ces dernières décennies sont marquées par le ralentissement, voire l’inversion, du processus de réduction collective du temps de travail et par une flexibilité croissante des horaires de travail. Si bien qu’à présent les variations du temps de travail sont banalisées.

L’histoire de la régulation du temps de travail ne s’apparente en rien à un long fleuve tranquille. Travailler de l’aube au crépuscule pouvait paraître naturel dans les communautés paysannes où la perception du temps était orientée vers la tâche et les diverses activités sociales intimement entremêlés. Dès le Moyen-Âge cependant, le temps précis des marchands a progressivement supplanté le temps approximatif de l’Eglise. Mais l’organisation sociale du temps qui prédomine dans les sociétés développées a été façonnée par la discipline du temps issue de l’industrialisation. C’est en effet autour du temps de travail que toute la vie sociale s’est organisée et que se sont formées les représentations sociales du temps, ancrées sur une dichotomie entre travail et loisirs. La réglementation du temps de travail est dès lors devenue l’enjeu central du rapport salarial et une source majeure de conflits sociaux pour la maîtrise du temps.

On assiste à présent à la déstabilisation de cet ordre temporel qui se marque à travers une diversification des durées et de l’organisation du temps de travail. La catégorie du temps est mise en cause dans sa fonction d’évaluation du travail et comme instrument de protection des travailleurs. Ce mouvement historique qui va de la mesure à la démesure du temps amène à appréhender l’engagement professionnel des salariés moins en termes de règles formelles que sous l’angle de la disponibilité temporelle.

Les rapports entre temps et salaire tendent à se polariser autour de deux modèles contrastés. Lorsque le travail du salarié n’est plus mesuré en temps, mais soumis à des obligations de résultat, le temps de travail n’est plus qu’un produit corollaire des fluctuations de l’activité. L’entreprise n’a plus à se soucier d’économiser cette ressource puisqu’elle ne lui est plus portée en compte. C’est alors une notion de « temps forfaitaire » qui tend à se diffuser parmi les salariés, au-delà du groupe des cadres. Toutefois, est-ce bien différent lorsque le temps de travail paraît strictement compté ? Pour les catégories les plus vulnérables du salariat, c’est une notion de « travail effectif » qui s’impose : seules les heures effectivement travaillées sont payées. Un salaire acceptable n’est atteint cependant qu’à travers le dépassement des limites contractuelles : par le cumul d’heures complémentaires, de missions d’intérim, de temps partiels et l’acceptation d’horaires incommodes. 

Dans les organisations flexibles, la coordination de l’activité repose ainsi sur la disponibilité temporelle des salariés. Le temps de travail réel déborde des limites formelles définies a priori par la réglementation. La disponibilité de temps se présente comme un service rendu par le salarié, consistant à donner l’assurance que le travail sera accompli, le cas échéant en dehors des temps normaux de travail.

A l’heure où la perspective d’un équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée n’est envisagée qu’à long terme à travers des comportements de renoncement et de retrait, ciblant particulièrement les femmes, il convient de réhabiliter le temps de travail en tant que condition de travail ayant des impacts au quotidien sur la qualité de vie, de le considérer comme une dimension contingente du travail donnant prise à des actions préventives et objet central de la négociation sociale.





Esteban Martinez Garcia est sociologue et docteur en sciences politiques et sociales. Titulaire de la chaire de sociologie du travail et des relations professionnelles, rattaché au centre METICES de l’Institut de sociologie, Esteban Martinez a publié entre autres ouvrages :  Les salariés à l’épreuve de la flexibilité, Editions de l’Université de Bruxelles, 2010

11 heures 40

 Eduardo Sartelli 

Lafargue y la ideologia del trabajo en America latina

El derecho a la pereza contiene la conclusión lógica de El capital y constituye la culminación, el fin de la economía política. Presupone la extinción de la ley del valor que se expresa en la creciente potencia del trabajo humano, tecnología mediante : el reino de la necesidad da paso al reino de la libertad. Este descubrimiento científico nos permite enfrentar a los ideólogos del capital que proponen, como salida a la crisis en marcha, más trabajo. En realidad, el problema se resuelve con menos trabajo. Trabajar todos, trabajar menos, lleva a un acortamiento radical de la jornada de trabajo, proceso que contiene en sí toda una revolución social, que se asoma hoy bajo la forma de la rebelión mundial de la población sobrante. Los piqueteros argentinos, el MST brasileño, los « campesinos » bolivianos, las masas venezolanas, los mileuristas, los indignados europeos y norteamericanos, la población sobrante mundial, tienen ante sí una disyuntiva mortal : o la desocupación capitalista o el tiempo libre socialista. En esta ponencia hablaremos de ese proceso y esas perspectivas en América Latina, con la esperanza de que ayude a pensar el proceso europeo actual.



Le droit à la paresse contient la conclusion logique du Capital et constitue l'apogée et la fin de l'économie politique. Il implique l'extinction de la loi de la valeur, qui s’exprime dans la montée en puissance du travail humain par la technologie: le règne de la nécessité cède à celui de la liberté. Cette découverte scientifique nous permet la confrontation idéologique avec le capital, qui propose, comme solution à la crise actuelle, plus de travail. En fait, la solution du problème est de travailler moins. Travailler tous, travailler moins, conduit à une réduction radicale des heures de travail, un processus portant en germe toute une révolution sociale, qui se profile désormais sous la forme de rébellion mondiale de la population excédentaire. Les Piqueteros argentins, le Mouvement des Sans-terre brésilien, les paysans boliviens, les masses vénézuéliennes, la génération à 1000 €/mois, les indignés européens et nord-américains, la population excédentaire du monde, tous sont confrontés à un dilemme mortel : le chômage capitaliste ou le temps libre par le socialisme. Notre intervention discutera de ce processus et de ces perspectives en Amérique latine, avec l'espoir qu'il contribue à penser le processus européen en cours.



Une  traduction écrite de l’intervention d’Eduardo Sartelli est à la disposition des participants









Dr. Eduardo Sartelli

Universidad de Buenos Aires

Centro de Estudios e Investigaciones en Ciencias Sociales (CEICS)



Publication récente :

Trabajo y subversión: Paul Lafargue y la crítica marxista de la sociedad burguesa, dans : Contra la cultura del trabajo: Una crítica marxista del sentido de la vida en la sociedad capitalista. Buenos Aires: Ediciones Razón y Revolución, 2005.





14 heures

 Guillaume Paoli

Postface urgente au droit à la paresse

Dans le pamphlet de Lafargue se mêlent des éléments pour le moins hétéroclites: satire et argument théorique, nostalgie de l'âge préindustriel et mythe de la machine libératrice, diatribe contre les esclaves volontaires et appel au prolétariat, discours révolutionnaire et éloge du consumérisme. Cette ambivalence n'est pas seulement due à l'intention polémique de l'auteur; elle révèle les contradictions non-résolues de la doctrine socialiste de l'époque. Instruits par l'expérience accumulée depuis lors, nous pouvons mieux discerner les impasses et angles morts de l'exposé. Mais ces contradictions nous "travaillent" encore aujourd'hui, et il est aisé d'en trouver des traces dans diverses entreprises se voulant anticapitalistes. Par ailleurs, "l'étrange folie" stigmatisée par Lafargue est une question des plus brûlantes au moment où s'effondre le système qu'elle soutient. Aussi critique que doive être le regard porté sur le Droit à la paresse, celui-ci n'en reste pas moins fidèle à son objet primordial: que puisse s'épanouir le libre jeu des passions humaines.



















































Guillaume Paoli est un écrivain franco-allemand et traite principalement des questions du travail, du non-travail et de la paresse.

Citoyen français, il vit depuis à Berlin depuis 1992. Cofondateur du groupe "Chômeurs Heureux »,  rédacteur de la revue "Müßiggangster" [amalgame de « musardeur » et « gangster "], G. Paoli a publié plusieurs livres et essais. Depuis 2008, il travaille en tant que philosophe au Centraltheater de Leipzig où il a dirigé entre autres "Prüfgesellschaft für Sinn und Zweck" (PSZ)

Guillaume Paoli a publié en 2008 Éloge de la démotivation (Nouvelles Éditions Lignes)


14 heures 45

Felipe Van Keirsbilck 

L’emploi contre le travail : un siècle d’effort pour le droit à la paresse

Il s’agira d’abord d’extraire la notion « d’emploi » de malentendus qui rendent les débats impossibles ou inutiles :



D’abord distinguer l’emploi comme statut de l’emploi comme quantité statistique



L’emploi (au sens fort) non seulement n’est pas le travail (évidence à redire sans cesse), mais surtout il est surtout ce qu’on a construit de mieux pour nous protéger contre le travail – ou du moins contre ses pires méfaits.

Car le syndicalisme, mobilisé inconditionnellement depuis longtemps dans une bataille pour l’emploi perpétuellement perdue, chaque avancée évanescente sur l’emploi-quantité se payant de reculs très concrets sur l’emploi-statut, doit reprendre le procès du travail. Ce procès doit être instruit à charge et à décharge.



Le travail use souvent, et tue parfois ; il soumet le travailleur à un « régime domestique » que le citoyen en lui ne peut que rejeter ; en spécialisant les travailleurs il les mutile de leur créativité et de la diversité de leurs savoir faire; il généralise des valeurs guerrières et opportunistes qui polluent jusqu’aux sphères de la vie intime. Il contribue, dans bien des cas, à l’accumulation de biens inutiles voire nuisibles, et à l’accumulation la plus toxique : celle du capital.

Mais le travail a aussi des vertus : souvent il relie à d’autres, parfois il qualifie et permet d’entrer en formation (tout à l’inverse de la rengaine « formez-vous pour trouver un emploi »). Parfois il permet l’expression de talents. Et surtout, il a une vertu politique que les partisans de l’allocation universelle négligent, et qui fonde en dernière instance le combat pour la généralisation du salaire : il donne à la dignité très théorique du citoyen une assise concrète, par le pouvoir des travailleurs organisés. Ce que la Constitution me promet, c’est le rapport de forces dans la machine productive qui me le donne.



On pourrait soupçonner celui qui dit du travail tant de mal et pourtant un peu de bien de chercher à chèvre-chouter ; mais se ménager la bienveillance des sympathiques adversaires de l’effort, ou celle des haïssables adorateurs du workfare, n’a aucun intérêt. L’intérêt est de revenir sur cette construction sociale jumelle qu’est l’emploi et le salaire, avec une perspective de démocratie radicale : si le travail a des vertus, qu’elles soient partagées pour tout le monde, et amplifiées par la qualité de l’emploi ; et s’il a d’énormes défauts, qu’ils soient repoussés dans des zones bien délimitées de nos vies, et combattus encore au sein même de ces zones.



Sans être la seule piste à proposer, la réduction collective du temps de travail reste une urgence et une priorité : moins d’heures par semaine, moins de semaines par an et moins d’années dans la vie.



D’autres pistes devraient être au moins rapidement évoquées : la démocratie sociale sur le lieu de travail, la rediscussion de la propriété et du statut des entreprises, et l’avenir de deux statuts particuliers des travailleurs : le chômeur et le pensionné.



Il faudrait aussi, si le temps le permet, identifier quelques-unes des défaites idéologiques ou lexicales qui ont rendu terriblement difficile la défense par le mouvement syndical du droit à la paresse. Parmi celles-ci, le remplacement subreptice de la « lutte contre le chômage » par la « lutte pour le taux d’emploi », avec son cortège d’activations ; la logique du « make work pay » ; et l’identification du temps libre au temps pour la consommation …



La conclusion, invitant à la discussion, se fera par la collision entre l’espérance annoncée par Lafargue et la réalité désespérante d’une société riche organisant la rareté de tout ce qui est essentiel pour bien vivre, y compris l’emploi et le temps. Il est trop facile d’expliquer en quoi les puissants y trouvent leur intérêt ; expliquer pourquoi les travailleurs (tous, les avec et les sans) ne se révoltent pas davantage pour l’emploi et contre le travail, sera plus difficile … et plus utile peut-être.



Felipe Van Keirsbilck, ingénieur civil, Secrétaire général de la CNE.

La CNE organise les employés et cadres des secteurs privés, ainsi que les ouvriers dans les secteurs Non-marchand. Les références ultimes de son action sont la Déclaration Universelle des Droits humains de 1948 et la Constitution de l’OIT de 1944. Elle a continûment  mis la RDTT collective au centre de ses revendications, depuis 1989. Ces dernières années, elle a remis à jour son projet social, approfondissant sa critique de la croissance et de la soumission du travail humain à l’accumulation du capital.

15 heures 30 

Taniel Tanuro

Le droit à la paresse, l’impossible capitalisme vert et l’alternative au productivisme

L’accumulation capitaliste se heurte aujourd’hui à des limites écologiques que la valeur ne peut prendre en compte. La crise climatique illustre l’antagonisme entre le productivisme du capital et la gestion rationnelle (on dira plutôt : prudente) des échanges de matière entre l’humanité et la nature. Elle valide et invalide à la fois le cri de Lafargue.

D’une part, la nécessité impérieuse de réduire la production matérielle et les transports confère une actualité indiscutable au plaidoyer pour l’abolition du surtravail, la suppression des productions inutiles, le partage du travail nécessaire, donc de la réduction radicale du temps de travail - couplée à une redistribution des richesses. D’autre part, le capitalisme a développé les forces productives matérielles d’une manière et à un point tels que le droit à la paresse ne peut être envisagé sans questionner les machines, notamment dans l’agriculture. Le royaume de la liberté n’adviendra pas sans une ré-appréhension/ relocalisation collectives de celui de la nécessité. 

                                         















































En 2010, Daniel Tanuro, agronome de formation a publié aux éditions Les empêcheurs de penser en rond/La Découverte, un livre contribuant à  fonder une perspective éco socialiste, L’impossible capitalisme vert.



16 heures

 Isabelle Cassiers

Droit à la paresse et redéfinition de la prospérité

La crise économique actuelle est loin d’être un épisode clôturé. Tandis que les gouvernements peinent à trouver la voie d’un retour à la normale, le doute ne cesse de croître quant à la possibilité et la désirabilité de replacer notre système socio-économique sur sa trajectoire antérieure. Celle-ci a été façonnée par une conception de la prospérité aujourd’hui dépassée.

La prospérité désigne tant une disposition de l’être (félicité) qu’une frénésie de l’avoir (abondance de biens). Qu’on ait pu assimiler l’une à l’autre semble à la racine de la crise dont nous avons à imaginer le dépassement. Les domaines affectés par ce biais sont nombreux.

Nous présenterons  le bilan d’un ouvrage qui réunit quinze auteurs issus de huit disciplines pour explorer des changements nécessaires dans les comportements, l’organisation socio-économique et l’action collective. Cet examen nous mènera à l’exigence de refonder l’articulation entre économie et politique. Le droit à la paresse y participe essentiellement.

























































Docteur en sciences économiques et bachelière en philosophie. Chercheur qualifié du F.R.S.-FNRS. Professeur à l’Université catholique de Louvain. Membre du Conseil central de l’économie, de l’Institut pour un développement durable et du Forum pour d’autres indicateurs de richesse (FAIR). Élue à l’Académie royale de Belgique le 2 avril 2011, Isabelle Cassiers a dirigé cette année la publication de Redéfinir la prospérité. Jalons pour un débat public  La Tour d’Aigues, Editions

de l’Aube



16 heures  40

Isabelle Stengers

Le droit à la paresse, une revendication cruciale

Le caractère délibérément absurde du pamphlet de Lafargue, les ouvriers assoiffés de travail, tout comme ce qui, pour lui, répondait à l’avenir, la machine libérant l’homme du travail, éclairent curieusement notre actualité.

Plus de trente ans après le fameux « travailler deux heures par jour », une armée de petites mains s’appliquent à faire désirer aux sans emploi un job, n’importe lequel. Quant aux machines, elles font désormais partie non de la solution mais du problème car la question de leurs exigences sociales et écologique n’a pas progressé d’un pas depuis les analyses de Polanyi. Le droit à la paresse se dit aujourd’hui désertion, objection de croissance, réponse logique à la guerre économique tous azimuts. Nous souvenant de ce qu’écrivait Rosa Luxembourg pendant la première guerre mondiale, il est sans doute crucial que ceux qui ont un travail défendent les droits de ceux qui le refusent.































Isabelle Stengers, philosophe, enseigne à l'Université Libre de Bruxelles. Ses intérêts se sont organisés à partir de la question des savoirs scientifiques modernes, dont elle tente de célébrer l'aventure afin de pouvoir lutter contre leur symbiose politique avec la raison entendue comme autorité. Dans deux de ses derniers livres, La Sorcellerie capitaliste (avec P. Pignarre) et Au temps des catastrophes, elle a pris acte de ce que ce type d’aventure  pourrait bien appartenir au passé, et s’adresse plus directement au capitalisme, non pas seulement comme exploitant le travail humain mais aussi comme expropriant, et donc détruisant, les pratiques productrices d’intelligence collective.

17 heures 15 

Mateo Alaluf



Discussion générale et conclusions provisoires



































































Mateo Alaluf, docteur en sciences sociales et professeur à l'Université libre de Bruxelles, est spécialiste des questions relatives à l'emploi, à la qualification du travail et aux rapports entre formation et emploi.

Il a publié entre autre : Le temps du labeur. Formation, emploi et qualification en sociologie du. travail, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1986 ; Dictionnaire du prêt-à-penser : Emploi, protection sociale et immigration les mots du pouvoir, Bruxelles, Vie Ouvrière, 2000, Protection sociale et emploi, 2005, L'économie autrement - En hommage à Jacques Nagels (2006). Mateo participe au comité de rédaction de Politique, revue de débats[, où il continue à enrichir le Dictionnaire du prêt-à-penser.



[1] À la Une du Peuple, 4 décembre 1911. Louis Bertrand (1856-1934),  parmi les fondateurs et passeurs de mémoire du P.O.B. : Histoire de la démocratie et du socialisme en Belgique depuis 1830, Bruxelles, 1905
[2] L’écriture des Messagers a été soutenue par une bourse de création de la Communauté française, service de la Promotion des Lettres.
[3] Victor Chlovski, Technique du métier d’écrivain, 1927
[4] Le Capital, III, Conclusion, dernières lignes, in Karl MARX, Œuvres, Économie II, Gallimard, La Pléiade, Paris,1968, traduction et appareil critique de Maximilien Rubel, pp. 1487-1488
[5] Lucie DAVOINE et Dominique MÉDA : Travailler plus pour gagner plus? Les avis partagés des Européens, Revue internationale du Travail, n°148, 2009
[6] Christian BAUDELOT, Michel GOLLAC : Travailler pour être heureux ?, éd. Fayard, 2003